Le 14 décembre 2017, des enfants perdaient la vie dans le drame de Millas, un accident de car sur le passage à niveau d’une petite route des Pyrénées Orientales. Le 15 décembre au matin, midilibre.fr affichait une « home page » insupportable : contenu rédactionnel et publicité fusionnaient aussi bien au niveau visuel qu’au niveau des mots.
Le journal présentait une image en noir, jaune et orange qui montrait le drame, notamment le car accidenté. En titre : « Quatre collégiens tués à Millas : ce que l’on sait de la collision mortelle ». Autour, en habillage complet du site, une publicité noire et orange, vantait « les cascades les plus impressionnantes issues des films » de Fast & Furious Live. Sur la gauche de l’écran, une accroche : « Real action. Real fast ». Insoutenable !
Cette collusion entre article et publicité était involontaire, certes. Mais la cohabitation entre contenu éditorial et annonces publicitaires questionne souvent. Il n’est pas rare de trouver dans les magazines féminins, une publicité d’une marque de luxe en page de droite… et un reportage sur la faim dans le monde sur celle de gauche. On frise l’indécence. Récemment encore, Le Figaro Demain - dont la baseline résume la ligne éditoriale, à savoir « les acteurs et initiatives du changement » - affichait des articles pour un monde plus responsable et moins pollueur à côté d’une publicité de… Total ! De quoi questionner sur la conviction réelle du support ou son opportunisme à une époque où la thématique du changement est à la mode.
Au jour où nous écrivons ces lignes, quelques clics sur les supports en ligne des quotidiens nous font sourire. Le Figaro titre « Bouygues Télécom écope d’une amende pour une faille de sécurité », avec, en fond, une publicité dont l’accroche est « Le digital de terrain, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ? ». Les Echos mettent en avant un article intitulé « Chute du diesel : 10 000 à 15 000 emplois menacés en France »… et une pub qui propose « Financez la croissance de votre entreprise ». Libération publie une tribune sur « Ce que Marx dirait des gilets jaunes », avec au-dessus, un bandeau pour le jackpot de 2 millions d’euros.
La cohabitation entre contenu rédactionnel et publicité n’est pas évidente. Bien entendu, aucune entreprise ne peut, lors de l’achat d’espaces publicitaires, demander au support quel sera l’environnement rédactionnel. Il en va de la liberté de la presse. Mais, si l’on se place du côté du lecteur et encore plus en tant que citoyen responsable, on s’interroge : peut-on accepter l’incohérence, l’indécence voire l’insoutenable