Le bio : que de la com’ ?

La communication et le bio

Évidemment, nous, quand on entend dire « Ça, c’est que d’la com ! », ça ne nous fait pas plaisir. Cette remarque à l’emporte pièce nous écorche. Elle sous-entend l’information biaisée, le mensonge, le plein de vide. Elle sous-entend que notre métier n’est que du fake. Et ça, nous, on n’aime pas.

Et pourtant, aujourd’hui, nous aussi, on doute. On se questionne : est-ce que toutes ces actions de communication sur le bio, ce n’est pas « que d’la com’ ? ».

Depuis plusieurs années, la grande distribution fait ses choux blancs des produits verts. Déjà, quand nous avons découvert que Naturalia appartenait à Monoprix/Casino, Les comptoirs de la bio à Intermaché et que Bio’C’Bon permettait à des contribuables une réduction d’ISF… le parfum du bio a perdu un peu pour nous, l’odeur du terroir.

Côté com’, on a suivi ce qui se passait. Dans les enseignes de grande distribution, les produits bio se sont dotés d’une communication visuelle dédiée : place au vert dans la plupart des visuels, aux produits détourés, aux typos à caractères authentiques... Ensuite, les pages internet se sont étoffées d’onglets listant des « engagements » ou annonçant des « filières responsables », voire des productions issues de l’agro écologie.

Au niveau des thématiques, les content managers ont tablé sur la santé, l’éthique, la qualité, le goût et le prix... que presque toutes les enseignes, aujourd’hui, veulent rendre « accessible à tous ».

Mais récemment, la communication de ces enseignes de distribution en conversion bio a pris de nouveaux airs. Des airs dignes d’ONG (qui les combattent quelques fois !). Elles ont décidé de communiquer avec les mêmes codes. Regardons, par exemple,  Carrefour et son « Act for Food ». Le nom lui-même de la démarche évoque un somment mondial contre la faim dans le monde. Le logo bleu, blanc, rouge s’apparente à un sceau, s’autoproclamant ainsi label officiel. Sur le site internet, les actions sont rédigées comme un manifeste, un programme politique pré-électoral voire une déclaration des droits du consommateur :

Toutes les thématiques des ONG qui œuvrent dans le secteur de la sécurité alimentaire sont abordées. On avoisine le copier-coller de la FAO* sauf au niveau des visuels... il ne faut quand même pas exagérer : on vend à des occidentaux ! Donc exit les photos d’africains dans les champs utilisées par les ONG. On préfère de jeunes agri-hipsters qui travaillent sans transpirer, maquillées pour mesdames et tout bien propres sur eux pour messieurs. En Occident, la terre ne tache pas. Sans oublier la sempiternelle image de jeunes pousses qui agrémente tous les flyers des consortiums ou autres conférences scientifiques sur l’avenir de l’agriculture dans le monde.

Les autres enseignes ne sont pas en reste. L’« Agri Plus » de Casino -  une gamme de produits sans résidus de pesticides - évoque presque un programme du Cirad ou de l’Inra. Le programme « Tous Cultivacteurs » de Monop’ et son « contrat transparence » avec  son sceau « bee friendly » s’apparente à une démarche gouvernementale...

Et pourtant, en août, Libération titrait « La grande distribution est en train de manger le bio », en « saignant producteurs et consommateurs » : des marges incroyables d’un côté, des prix surévalués. Alors nous, on se questionne : comment fait-on soudain pour produire du bio de façon aussi... intensive ? Et si tout cela n’était... que de la com ?

 

 

* l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

Parution : 12/12/2019

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